« Si seulement je pouvais débrancher mes jambes le soir, ou les ranger dans un placard bien fermé jusqu’au matin ! » C’est la pensée qui m’a obsédée pendant quatre longues années. Chaque soir, entre 22 h et 23 h, alors que je m’installe enfin sur le canapé pour me détendre, mes jambes commencent à me jouer des tours. Des élancements désagréables, des fourmillements, parfois même des décharges électriques s’emparent de moi. Ces sensations peuvent durer jusqu’à 3 h du matin. Un véritable cauchemar éveillé.
C’est exaspérant ! La seule manière de calmer ces symptômes est de marcher, encore et encore, sans fin. Je me surprends à arpenter mon appartement, secouant mes jambes frénétiquement. Avec le temps, j’ai découvert que le froid atténuait un peu l’intensité des sensations, probablement parce que mes pieds et mes mollets semblaient chauffer comme après un coup de soleil.
Une maladie imprévisible et insidieuse
J’en suis venue à fixer des poches de gel glacées sur mes jambes, celles que je garde au congélateur, car le jet d’eau froide ne suffisait plus. Je marchais dans l’appartement jusqu’à en pleurer de fatigue et de frustration, surtout le mardi soir, car je savais que le mercredi serait encore une journée gâchée avec mes enfants. Je me sentais épuisée, somnolente, à côté de mes pompes. Au travail, en tant que logisticienne, j’ai commis plusieurs erreurs d’inattention qui auraient pu avoir de graves conséquences.
Je redoutais mes soirées, une boule au ventre, car cette maladie est imprévisible et sournoise. Parfois, elle me laissait un court répit, me donnant l’illusion que les choses s’amélioraient, puis soudain, elle revenait en force.
Et réussir à m’endormir n’était qu’une partie du problème. Certaines nuits, mes jambes continuaient de bouger malgré moi pendant mon sommeil, ce qu’on appelle des mouvements périodiques. Résultat : je faisais de multiples micro-réveils, qui ne me réveillaient pas toujours complètement, mais mon mari, lui, était bien conscient de ces secousses. J’ai même fini par lui proposer de faire chambre à part. Double peine… Mais il a refusé. Son soutien m’a beaucoup aidée dans cette épreuve. Après quatre ans de nuits peu réparatrices, j’étais à bout, le moral en berne.
Des diagnostics erronés
Pourtant, j’avais consulté assez tôt. Ma généraliste avait diagnostiqué une insuffisance veineuse, confirmée par un angiologue après un examen Doppler. L’insuffisance était légère, mais réelle. Ayant eu une grossesse gémellaire seulement seize mois après la naissance de ma fille aînée, il leur avait semblé logique d’incriminer mes veines. Pendant des années, j’ai donc porté des bas de compression, surélevé mes jambes (ce qui aggravait les symptômes), pris des gélules de vigne rouge et de fragon… En vain.
Le déclic est venu d’un reportage télévisé sur le syndrome des jambes sans repos. Je me suis reconnue dans les témoignages.
Enfin le bon diagnostic
Je suis retournée voir ma généraliste, qui m’a enfin orientée vers un centre du sommeil. Dès la première consultation, la neurologue a compris ma situation. Elle m’a expliqué que le syndrome des jambes sans repos s’inscrit dans les troubles du sommeil et a confirmé le diagnostic que j’avais pressenti.
J’ai fait une prise de sang pour doser la ferritine, qui évalue les réserves en fer de l’organisme, car une carence peut favoriser le syndrome. Mon taux étant normal, la neurologue a évoqué un possible dysfonctionnement de la dopamine dans le cerveau. J’ai alors paniqué, pensant immédiatement à la maladie de Parkinson, dont souffre ma tante. Mais elle m’a rassurée : les deux maladies n’ont rien à voir.
On a commencé par me prescrire, pendant six mois, de fortes doses de L-tyrosine, un acide aminé précurseur de la dopamine, pour aider mon cerveau à en produire. Les résultats étaient mitigés : les symptômes étaient un peu moins intenses, mais toujours aussi fréquents.
Nous sommes alors passés à un traitement à base de dopamine. Les premiers jours, j’ai eu des nausées quotidiennes, peut-être dues à mon appréhension face au médicament. Mais le traitement a fait effet. Aujourd’hui, j’ai retrouvé le plaisir de m’asseoir le soir pour regarder un film, de partager un repas avec des amis, ou simplement de me coucher pour lire un livre. Ce trouble n’est pas mortel, certes, mais il est réellement handicapant.
Pour remercier mon mari de son soutien indéfectible, je lui ai proposé de renouveler nos vœux de mariage. Je suis confiante : mes jambes se tiendront tranquilles pour notre deuxième nuit de noces !