Dans l’édition du printemps de ASMFC.com, nous vous parlions du prince Charles III, dont le règne fut crucial pour le pays. Le prince Charles a réussi à transformer un petit État touché par des émeutes populaires, ayant perdu une grande partie de son territoire et privé de toute source de revenus, en un paradis sur Terre. Sous Charles III, Monaco ouvre ses premiers casinos, voit naître la Société des Bains de Mer (SBM), aujourd’hui mondialement connue, et la naissance d’un nouveau quartier de Monte-Carlo. Il a introduit des réformes économiques majeures, établi des relations diplomatiques avec un certain nombre de pays, commencé à frapper ses propres pièces d’or et a même libéré ses sujets de l’impôt.
C’est le Prince Charles III qui résout l’un des problèmes les plus urgents de la Principauté : celui des transports. Grâce à ses efforts, un chemin de fer a été construit à travers Monaco, ce qui a rendu les voyages vers le pays rapides et confortables. L’arrivée du chemin de fer constitue une avancée majeure en termes de reconnaissance et d’attractivité de la Principauté, qui s’ouvre de plus en plus sur l’extérieur.
Miser l’avenir sur le casino
Lorsqu’il reprend la Principauté en 1856, Charles III se trouve confronté à une pauvreté effroyable et à une absence totale de perspectives de développement. Cependant, le monarque de 38 ans n’a pas abandonné et s’est mis avec enthousiasme à sauver l’économie.
C’est alors que Napoléon III arrive au pouvoir en France et lève l’interdiction des établissements de jeux de hasard répandus dans toute l’Europe. Des maisons de jeux s’ouvraient dans toute l’Europe et le prince de Monaco essayait également d’attirer l’argent du jeu dans le pays. Il a ouvert une maison de jeux dans le quartier de La Condamine, mais le manque de liaisons de transport normales a mis un frein à son nouveau projet d’entreprise. Dans ces années-là, il fallait rejoindre Monaco depuis Nice soit par la mer, soit par une route de montagne difficile, le flux de ceux qui souhaitaient jouer à la roulette à Monaco restait extrêmement faible…
Pendant ce temps, Napoléon est renversé en France. L’interdiction des maisons de jeux en Europe est revenue. Cela a donné à Monaco une chance de devenir un monopole dans ce secteur. Charles et sa mère Caroline Gibert de Lametz invitent en Principauté le célèbre François Blanc, casinotier d’abord à Paris puis à Hambourg. Ils avaient besoin de cet homme d’affaires expérimenté pour conclure une affaire rentable sur laquelle ils comptaient beaucoup. Et leurs attentes ont été pleinement satisfaites.
En avril 1863, le Prince décréta la création de la Société des Bains de Mer, qui reçut le droit d’exploiter les jeux de hasard pour les 50 années suivantes. La nouvelle société était dirigée par François Blanc. Au cours des années suivantes, l’Hôtel de Paris et le Café de Paris sont construits dans le quartier des Spélugues, où se situe le premier casino de l’entreprise, suivis par la construction d’un nouveau casino et d’un opéra. En 1866, la région fut rebaptisée Monte Carlo, « Montagne de Charles », en hommage au prince régnant. Ainsi commence « l’âge d’or » de Monaco.
Une solution au problème des transports
Le jeu étant désormais interdit dans toute l’Europe, un flux important de nobles et de touristes arriva en Principauté, où les maisons de jeux étaient désormais autorisées. Charles III entreprit de toute urgence le développement des infrastructures, car le manque de réseau routier développé continuait de rendre l’accès difficile.
A l’époque, tous les principaux flux de circulation entre Nice, Menton et Gênes empruntaient la Grande Corniche, contournant Monaco. Le Prince Charles a signé un nouvel accord avec la France pour la pose du chemin de fer Nice-Gênes traversant la Principauté. Il peut désormais se le permettre puisqu’il reçoit 10 % des revenus du Casino du directeur de la SBM, François Blanc. Selon l’accord, la principale ligne ferroviaire le long de la côte devait passer par Monaco, Charles III veillant également à ce que tous les trains s’arrêtent dans deux gares de Monaco.
Les travaux débutent en 1864. Des tranchées, des remblais et des tunnels sont construits simultanément sur plusieurs tronçons. Une partie des ouvrages a été construite sur une ligne de 15,5 kilomètres entre Nice et Monaco entre 1864 et 1867. L’autre partie de la construction a été réalisée en Principauté entre fin 1866 et 1869 où la ligne mesurait 3,5 kilomètres. L’une des principales difficultés rencontrées par les ouvriers était bien entendu le terrain extrêmement difficile.
Le premier train arrive
Enfin, il y a 155 ans, le 19 octobre 1868, le premier train de la ligne Paris — Lyon — Méditerranée arrivait en Principauté. Selon le Journal de Monaco, 346 personnes sont venues à Monaco ce jour-là. Le Prince Charles III lui-même est arrivé en gare de Monaco le 18 novembre à bord d’un train spécial d’apparat.
Les premiers trains circulaient entre Nice et Monaco cinq fois par jour et parcouraient la distance en 45 minutes. Le prix du billet depuis Nice était de 4,80 francs en première classe, 4,35 francs en deuxième classe et un franc en troisième classe.
Parallèlement, les travaux ferroviaires en Principauté se poursuivent. Une autre ligne ferroviaire vers Menton était en construction. Cependant, bien que le premier train soit arrivé à Monaco en 1868, il a fallu attendre 1881 pour achever l’ensemble du projet en raison de la guerre franco-prussienne de 1870-1871.
Deux gares
En juin 1867 débutent les travaux de construction de deux gares : la gare de Monaco (près de La Condamine) et la gare de Monte Carlo (près des Spélugues ou La Costa). Les matériaux de construction sont livrés en septembre 1867, mais comme la ligne ferroviaire entre les deux futures gares n’est pas terminée et nécessite encore de sérieux travaux, la priorité est donnée à la construction de la gare de Monaco.
La première gare, qui reçut le premier train de voyageurs, était située à l’entrée de la Principauté, derrière le Rocher, dans le quartier de l’actuelle avenue du Prince Pierre et du quai Honoré II. Elle fut achevée la même année 1867. La gare possédait un pavillon en brique, un hangar et une salle en bois pour les voyageurs, une salle de réception pour le Prince et un garage en bois pour son transport.
Une deuxième station destinée au confort des joueurs devait être implantée à proximité immédiate du Casino. Une gare provisoire en bois est construite sur l’emplacement de la future gare de Monte-Carlo, dont la construction débute en septembre 1867. De là, les passagers sont transportés jusqu’au Casino en omnibus tirés par des chevaux.
La gare de Monte-Carlo a été inaugurée en 1869 sur le site de l’actuel hôtel Fairmont. Des ascenseurs transportaient les passagers arrivant en train directement vers les salles de jeux.
Les deux stations ont fonctionné à Monaco pendant plusieurs décennies.
Le Prince Rainier III poursuit l’œuvre de son arrière-arrière-grand-père
Plus tard, à partir des années 1950, le chemin de fer traversant la Principauté fut détourné plus au nord et un tunnel fut construit. En 1958, sous le Prince Rainier III, débutent six années de vastes travaux dont le but est de construire un tunnel sous la partie orientale de la Principauté et de supprimer progressivement les voies ferrées terrestres. Finalement, le projet initial de Charles III, un chemin de fer sur la côte et près du Casino de Monaco, dura près d’un siècle sans changement, jusqu’en 1964.
Alors qu’en 1868 seuls cinq trains quotidiens arrivaient à Monaco pour un total de 99 000 passagers par an, la gare de la Principauté accueille aujourd’hui 110 trains quotidiens et plus de 6 millions de passagers par an ! Et tout a commencé avec le Prince Charles III, qui a apporté une contribution inestimable au développement de Monaco et a brillamment géré les difficultés dans divers domaines de l’économie, dont les transports.