Une sensation de sublime avec Turner au Grimaldi Forum
Jusqu’en septembre
Après l’événement spécial Monet l’été dernier, c’est une exposition tout aussi exceptionnelle de l’incroyable Joseph Mallord William Turner qui nous attend. Il fut un pionnier, le premier à avoir honoré ce qu’il voyait, à avoir laissé la lumière faire la magie, toute seule, dans ses paysages mythiques. Cet amoureux de la nature contemplatif avait transféré sur la toile ses émotions et la couleur évanescente des éléments bien avant les impressionnistes. En admirant ses tableaux, on s’extasie, on atteint presque l’exaltation. C’est précisément ce que nous offre la majestueuse scénographie du Grimaldi Forum.
Des chefs-d’œuvre prêtés par la mythique Tate de Londres, dont certains n’ont quasiment jamais quitté le Royaume-Uni, sont mis en parallèle avec des créations modernes (peintures, sculptures, installations, photographies) d’artistes contemporains majeurs : John Akomfrah, Edward Burtynsky, Peter Doig, Olafur Eliasson, Howard Hodgkin, Roni Horn, Richard Long, Lisa Milroy, Cornelia Parker, Katie Paterson, Laure Prouvost, Mark Rothko, Wolfgang Tillmans, James Turrell ou encore Jessica Warboys. Cette « confrontation » instaure un dialogue fascinant, qui nous aide à saisir le style novateur de Turner sur la voie de l’abstraction. Presque malgré lui, il se laisse guider par ses émotions face à une nature en perpétuelle mutation, marquant véritablement l’histoire de l’art. Selon la commissaire, Elizabeth Brook : « À ce jour, ces œuvres contemporaines démontrent la pertinence des paysages de Turner explorant le sublime. »
Trente-huit huiles et une quarantaine d’aquarelles et de gouaches sont aujourd’hui exposées dans le vaste espace du Grimaldi Forum. On y découvre les paysages qui ont marqué le peintre qui voyagea de Venise à Grenoble, s’attardant sur les reflets de l’eau, les silhouettes des montagnes, les couchers de soleil, arpentant également toutes les régions de son Angleterre natale. Un marcheur infatigable en quête d’émotions intenses, de sensations fortes et de fascination. En quête du sublime.
Turner, l’héritage sublime
Forum Grimaldi
10, Avenue Princesse Grâce, Monaco
Le cri de Chagall pour la liberté à Nice
Jusqu’au 16 septembre
Le Musée national Marc Chagall de Nice accueille cet été une exposition exceptionnelle. Un regard radicalement nouveau sur l’œuvre de cet artiste majeur du XXe siècle. Originaire de la ville de Vitebsk en Biélorussie, alors empire russe, Chagall a vécu les persécutions antisémites tsaristes, les deux guerres mondiales, l’exil et les déchirements. Porteur d’un somptueux « Message biblique » comprenant douze tableaux de la Genèse et de l’Exode, et cinq évoquant le Cantique des Cantiques, il est considéré comme un coloriste de génie, un poète, un rêveur et un lecteur inspiré de textes religieux. Il est bien sûr tout cela. La dimension politique, quelque peu militante, de son art est cependant restée dans l’ombre pendant des décennies.
Cette exposition très actuelle à Nice est le fruit d’un travail d’archives et de documentation proprement bénédictin mené par la petite-fille de l’artiste. Présente au vernissage, Meret Meyer a souligné l’engagement profondément humaniste de son grand-père. Grâce à des prêts exceptionnels, de véritables chefs-d’œuvre nous ont été révélés, dont la « Solitude ». Le tableau a été réalisé en 1933 alors qu’Hitler arrive au pouvoir. Un rabbin profondément désolé, portant les livres de Loi, est accompagné d’une vache blanche. Avec son œil vif et immense, l’animal semble symboliser un réveil des tragédies à venir. Une autre toile qui ne peut laisser personne indifférent est « Pourim ». Peinte en 1916, elle fut exposée en Allemagne par les nazis en 1937 comme un exemple d’art dégénéré !
L’exposition présente de nombreux autres documents, témoins des turbulences du siècle dernier qui ont touché les plus grands peintres de la modernité. Deux gravures, illustrant le livre d’Anne Franck, et « Prière du souvenir » réalisée en 1946, évoquent en sourdine, avec une incroyable simplicité, l’horreur de la Shoah. La dimension proprement historique et politique est encore plus évidente à la lecture d’une note administrative française datée du 10 octobre 1940, sur la famille Chagall : « Israélite russe, être dénaturalisé sans intérêt national »…
Cette exposition d’une dimension artistique majeure (mais pas seulement) a d’abord été présentée au Musée d’art et d’industrie André Diligent, « La Piscine », à Roubaix, et à la Fondation MAPFRE à Madrid. Inaugurée le 7 octobre 2023, ne porte-t-elle pas un signe du destin… ?
Un Chagall politique. Un cri pour la liberté
Musée national Marc Chagall
Avenue du Docteur Ménard, Nice
Berthe Morisot au Musée des Beaux-Arts de Nice
Jusqu’au 29 septembre
C’est l’époque des luxueuses stations balnéaires de la Riviera, avec les premiers touristes éblouis par la lumière et la végétation locale. C’est une époque de changement dans l’histoire de l’art, avec des artistes désireux de retranscrire leurs émotions, d’écouter leurs sentiments, osant voir la vérité. C’est le tournant de l’impressionnisme. Cette année, pour célébrer les 150 ans de ce mouvement artistique majeur, le musée des Beaux-Arts Jules Chéret de Nice consacre une exposition à Berthe Morisot, première femme artiste choisie pour ce genre d’événement.
Artiste sensible et raffinée, elle s’est largement inspirée de ses deux séjours hivernaux sur la Riviera à la fin du XIXe siècle. L’exposition est ainsi une première d’une soixantaine d’œuvres réalisées sur la Côte d’Azur.
« Je ne pense pas qu’il y ait jamais eu un homme qui ait traité une femme comme son égale, et c’est tout ce que j’aurais demandé, car je sais que je les vaux »disait-elle. Dotée d’une forte personnalité, parfois rebelle et amie des plus grands peintres de son temps, Berthe Morisot a su s’imposer sur la scène artistique. A l’époque, gommer la différence entre les sexes était un véritable défi. Parmi les chefs-d’œuvre présentés au musée Chéret, figurent deux autoportraits, une vue du port de Nice et la cueillette des oranges à Cimiez. Ses paysages, ses personnages baignent dans un flou qui atteint l’abstraction.
C’est aussi l’occasion d’admirer des tableaux de Renoir ou de Monet. Certains d’entre eux, dont une vue de la Principauté, sont prêtés par le Palais Princier de Monaco.
Enfin, en résonance avec l’artiste pionnière Berthe Morisot et son parcours hors du commun, une séquence est consacrée à ses contemporaines. Cette exposition réunit des œuvres de Mary Cassatt, Eva Gonzalès, Marie Bashkirtseff et Louise Breslau, mettant en lumière le formidable foisonnement de la création féminine sur la Riviera à la Belle-Epoque. En bousculant les normes en peinture, l’impressionnisme l’a fait aussi pour notre société toute entière.
Berthe Morisot à Nice. Scènes impressionnistes
Musée des Beaux-Arts Jules Chéret
33, Avenue des Baumettes, Nice
Sea Horizon avec Miquel Barceló à la Villa Paloma, à Monaco
Jusqu’au 13 octobre
L’océanographie fait partie de l’ADN de la Principauté. L’exposition estivale de la Villa Paloma s’inscrit ainsi parfaitement dans l’histoire de Monaco. Cet été, le Nouveau Musée National de Monaco (NMNM) présente un artiste originaire de Majorque, Miquel Barceló. Selon le directeur et commissaire de l’exposition du NMNM, Björn Dahlström : « C’est un véritable génie plastique, à la fois peintre et céramiste. Il m’a semblé intéressant de le mettre en lumière sous un prisme bien précis, celui de son rapport à la mer. Il y a évidemment ici un sous-texte écologique. Même si son œuvre n’est pas à proprement parler militante, elle questionne notre conscience. J’aime les expositions qui provoquent plutôt que celles qui expliquent. Barceló est un insulaire, une grande figure méditerranéenne ».
Une soixantaine d’œuvres, résumant quarante années de création, nous emmènent à la découverte des différents chemins empruntés par l’artiste. On embarque dans un passionnant voyage qui part de l’exploration des abysses jusqu’à la figure humaine visible derrière les marines et les natures mortes. Parmi les autres objets remarquables, une puissante composition de vagues, un bronze installé dans le jardin et des céramiques d’inspiration antique. On y découvre même un véritable bestiaire marin décorant nappes et draps – broderie réalisée à quatre mains par le peintre et sa mère.
Un artiste contemporain majeur, transformé en océanographe le temps de cette exposition à Monaco.
Miquel Barceló, océanographe
Villa Paloma
56, Boulevard du Jardin Exotique, Monaco
Une cosmogonie lumineuse à Tourrettes-sur-Loup
Jusqu’au 28 octobre
Cet été, profitez d’une occasion rêvée pour visiter le charmant village médiéval de Tourrettes-sur-Loup, dans l’arrière-pays vençois. Inspiré par cette cité des « violettes », cultivant sa timide fleur pourpre depuis plusieurs siècles, un artiste plasticien a investi son château-mairie.
Ulrich Rampp nous propose un saut dans le futur. Un futur sombre en raison du réchauffement climatique. Nous sommes en 2050. Les banquises et les glaciers ont presque tous fondu et les eaux sont montées jusqu’au château-hôtel de ville. Avec le maire réfugié au 2e étage et les employés obligés de nager pour aller travailler, ce scénario sinistre prend une teinte quelque peu humoristique.
L’artiste plasticien a mis plus de deux ans à illustrer cet épisode dramatique. À l’aide de papier calque recyclé, il a peint les vagues submergeant le bâtiment dans des tons doux de bleu et de blanc. Le même matériau est utilisé pour rendre un étrange ballet de méduses, de saumons et de poissons volants. Cette installation colorée et ludique nous alerte cependant des dangers à venir. De grandes toiles présentent la cosmogonie de notre planète dans des explosions de lumière et de pigments.
Cette exposition est un clin d’œil à la précarité dans laquelle nous vivons tous. Prévoyant le pire, ses formes élégantes et ses couleurs vitales donnent encore de l’espoir. Un beau message qui donne à réfléchir et mérite une halte dans cette mairie bien décidée à servir les artistes et à ravir ses visiteurs.
Cosmogonie. L’histoire de la Terre et du vivant
Hôtel de ville du château de Tourrettes-sur-Loup