Un nouveau projet de loi viserait à interdire certains pesticides encore utilisés dans l’agriculture française

La perspective d’un virage réglementaire se précise, et avec elle un souffle de controverse. Le gouvernement planche sur un texte qui pourrait retirer du marché plusieurs substances encore autorisées. Les filières agricoles s’interrogent, les riverains espèrent, et les chercheurs appellent à une méthode. Sur fond d’urgence écologique, la politique se heurte au quotidien des exploitations.

Ce que prévoit le texte

Le projet cible des familles de produits jugées à risque, avec des échéances échelonnées sur deux à trois ans. L’idée est d’accélérer la réduction des intrants là où la substitution est techniquement possible. Des dérogations seraient encadrées, limitées dans le temps, et liées à de vrais plans de transition. Le ministère parle d’une approche « graduée, proportionnée et anticipée ».

Les points à retenir

  • Des interdictions progressives pour certaines molécules à profil de danger élevé, accompagnées d’aides à la substitution et d’un suivi renforcé des impacts sur les rendements.

Réactions sur le terrain

Dans les coopératives, l’ambiance est à la prudence. « On ne veut pas revivre une sortie brutale sans solution, comme certains l’ont vécu », confie un céréalier du Beauce. Du côté des ONG, l’heure est à une satisfaction vigilante. « Ce n’est pas une révolution, mais c’est un cap », estime une porte-parole d’un collectif sanitaire. Les chercheurs, eux, appellent à mesurer finement les effets sur la biodiversité et la santé des sols.

Comparatif synthétique

Catégorie de produit Usage actuel (France) Statut proposé Alternatives possibles Impact estimé sur ferme
Herbicides à large spectre Désherbage en pré ou post-levée Restrictions ciblées selon cultures Désherbage mécanique, couverts végétaux Coûts en hausse, main-d’œuvre accrue
Insecticides de synthèse persistants Lutte ravageurs sur grandes cultures Interdiction progressive Piégeage, biocontrôle, choix variétal Courbe d’apprentissage, rendement variable
Fongicides à mode d’action unique Protection céréales et fruits Rotation stricte et retraits partiels Mélanges multi-sites, outils d’aide à la décision Risque de pertes si météo défavorable
Traitements de semences à profil toxique élevé Protection précoce Fin des mises en marché Semis tardifs, travail du sol ciblé Recalage du calendrier, coût semences

Ce tableau reste volontairement générique, car la liste définitive dépendra des avis scientifiques attendus. L’exécutif promet de publier des « fiches filière » avec des repères techniques et des trajectoires de remplacement.

Un équilibre économique délicat

Les marges sont déjà tendues, surtout avec la volatilité des prix. Une partie des charges se déplace vers la main-d’œuvre et la mécanisation, quand les volumes restent incertains. « La clé, c’est la prévisibilité et l’accompagnement à la ferme », souligne une économiste de l’agriculture. Les interprofessions réclament un vrai partage de la valeur, pour que les surcoûts ne tombent pas sur le seul producteur.

Santé publique et environnement

L’argument sanitaire est au cœur du texte. Moins de résidus dans l’air, l’eau et l’assiette, c’est la promesse souvent avancée par les défenseurs. La baisse des expositions professionnelles reste une priorité affichée, avec davantage de contrôle et de formation. « L’enjeu, c’est le cumul d’expositions et la réduction à la source », rappelle une toxicologue d’un centre hospitalier.

Alternatives et innovation

Les solutions existent, mais demandent du temps. Le biocontrôle progresse, tout comme les outils d’aide à la décision. Les couverts végétaux, le désherbage mécanique et les systèmes de cultures plus diversifiés réduisent la dépendance. Des start-up testent des pulvérisations ultra-ciblées, et des constructeurs misent sur la robotique de précision. Reste l’accès au conseil et la capitalisation des essais en conditions réelles.

Calendrier et mise en œuvre

Le gouvernement envisage un calendrier par paliers, avec des revues annuelles et des ajustements territorialisés. Les préfets pourraient activer des dérogations temporaires en cas de pression ravageurs exceptionnelle, sur avis technique. Les aides seraient conditionnées à des diagnostics agronomiques et à des engagements mesurables de réduction.

Gouvernance et contrôle

Un comité de suivi, ouvert aux filières, aux ONG et aux scientifiques, doit veiller à la cohérence des mesures. Les données d’usage seront mieux partagées, pour objectiver les progrès et détecter les angles morts. « Transparency first, sanctions si besoin ensuite », résume un conseiller du ministère.

Ce qui peut tout changer

Trois paramètres feront la différence. La qualité des alternatives sur les cultures les plus sensibles. La capacité à rémunérer les efforts via les prix, les labels et la commande publique. Et la clarté des règles, sans zigzag réglementaire au gré des saisons.

« On veut une agriculture viable, vivable et durable », souffle Claire L., maraîchère en Loire-Atlantique. L’équation est exigeante, mais une trajectoire lisible et financée peut éviter le mur. Le débat s’ouvre, entre impératif écologique, nécessité économique et attente sociétale.