L’affaire prend une tournure explosive: une centrale au gaz à Memphis aurait alimenté des modèles d’IA sans les autorisations requises. Le projet Colossus d’xAI aurait fonctionné avec 26 turbines et une puissance d’environ 400 MW, en marge des permis indispensables.
Une installation géante, mais sans feu vert
Selon une enquête du Southern Environmental Law Center, au moins 35 turbines à combustion auraient été installées et mises en service en un an. À ce jour, 26 turbines tournent encore, auxquelles s’ajoutent trois unités plus puissantes, portant la capacité à près de 407 MW.
Des prises de vue aériennes et thermiques confirment une activité continue malgré des promesses de temporarité. Le contraste entre la discrétion du site et l’ampleur de l’installation interroge lourdement.
Pollution invisible, impacts bien réels
Memphis a été désignée « capitale de l’asthme » en 2024, un signal d’alarme sur la qualité de l’air. Une centrale au gaz de 400 MW peut émettre plus de 2 000 tonnes de NOx par an, des polluants liés au smog et aux maladies respiratoires.
Dans une ville déjà vulnérable, l’ajout d’émissions non déclarées peut aggraver la santé publique. Les populations riveraines, souvent moins favorisées, supportent encore l’essentiel du fardeau.
La Chambre de commerce tente de rassurer
La Greater Memphis Chamber a assuré que les turbines étaient « temporaires », en attendant un raccordement au réseau. Elle a promis un retrait sous deux mois, hormis celles destinées à une phase II du projet.
Ces engagements restent jugés timides par des riverains et des organisations environnementales. Beaucoup dénoncent un déficit de transparence et une indulgence excessive envers une entreprise richissime.
« On ne bricole pas l’air que l’on respire »
« Le respect des permis n’est pas une formalité: c’est une barrière entre l’innovation et le risque sanitaire. On ne bricole pas l’air que l’on respire, surtout dans une communauté déjà fragile. »
Le symbole d’une course à l’IA énergivore
La compétition entre OpenAI, Google et xAI dope une demande énergétique hors normes. Pour entraîner des modèles plus gourmands, certains acteurs contournent les cadres et externalisent les coûts écologiques.
Colossus cristallise les dérives possibles: priorité au déploiement, conformité repoussée, et risques concentrés sur des quartiers déjà exposés. La tension entre progrès technologique et justice environnementale s’en trouve ravivée.
Risques juridiques et marge de manœuvre
Les autorités fédérales se penchent sur le dossier, tandis que le SELC envisage une plainte formelle. À la clé, des pénalités lourdes et une mise en conformité sous contrainte.
La voie de sortie passe par un permis complet, des systèmes de réduction de NOx performants et une surveillance en continu. Un calendrier crédible, assorti de contrôles publics, sera déterminant pour regagner la confiance.
Alternatives pour un modèle plus soutenable
Le raccordement au réseau avec contrats d’énergie bas-carbone peut limiter la pollution locale. Des solutions d’efficacité (refroidissement optimisé, compression de modèles) réduiraient la demande instantanée.
Des investissements dans des renouvelables couplés à du stockage et à la gestion de la charge décaleront les pics. À défaut, l’usage d’unités d’appoint devrait rester exceptionnel, sous contrôle strict.
Ce que révèle cette controverse
- Une dépendance croissante de l’IA à des infrastructures très énergivores.
- La tentation de devancer les permis au nom de l’urgence technologique.
- Des coûts sanitaires et climatiques externalisés vers des communautés vulnérables.
- La nécessité d’un cadre de gouvernance assorti d’une surveillance indépendante.
- L’opportunité d’accélérer des solutions bas-carbone réellement scalables.
Un test décisif pour l’industrie et les régulateurs
Au-delà du cas Musk, c’est tout l’écosystème de l’IA qui est mis à l’épreuve. Les data centers ne peuvent plus s’ériger en hors-sol énergétique, étranglant les territoires où ils s’implantent.
Si la loi est contournée, le coût reputational et juridique deviendra prohibitif. S’il y a exemplarité, l’IA pourra prouver qu’elle sait concilier puissance de calcul et respect de l’air que l’on partage.
La suite dépendra d’un équilibre entre ambition industrielle et rigueur réglementaire. Ce dossier pourrait devenir un cas d’école, marquant la norme à laquelle devront se plier les géants de l’IA.