À l’heure où les marronniers verdissent, des éclats verts et des cris vifs strient le ciel des squares. Sur les pelouses, des silhouettes effilées, bec rouge et queue longue, happent des graines avec l’aisance des habituées. Les promeneurs lèvent la tête, amusés et parfois déconcertés: «On dirait un bout de tropique posé sur nos platanes», souffle un joggeur, encore essoufflé.
D’où viennent-elles, et depuis quand ?
La perruche à collier, espèce asiatique et africaine, a trouvé en Île-de-France un terrain propice. L’histoire locale évoque des évasions depuis des aéroports parisiens, il y a plusieurs décennies, puis une installation progressive dans les parcs urbains. Les populations se sont stabilisées et atteignent aujourd’hui plusieurs milliers d’individus autour de la capitale.
Un portrait haut en couleur
Plumage d’un vert éclatant, collier noir discret chez la femelle et plus marqué chez le mâle, bec courbé d’un rouge intense. En vol, les ailes pointues tracent des arabesques rapides, tandis qu’un cri perçant annonce la troupe bien avant qu’on ne la voit. «C’est un son strident, presque métallique, mais on s’y fait», glisse une riveraine, sourire aux lèvres.
Pourquoi Paris leur réussit
Les hivers deviennent moins rigoureux, les arbres creux offrent des cavités de nidification, et les pelouses regorgent de graines. Les parcs dispersés forment un réseau continu, idéal pour des déplacements quotidiens. Les roosts, ces dortoirs collectifs, réunissent des centaines d’oiseaux à la nuit, garantissant chaleur et sécurité.
Où les croiser
Du Bois de Vincennes au Bois de Boulogne, en passant par Montsouris, Buttes-Chaumont ou Parc de Sceaux, les perruches exploitent une mosaïque de sites. En fin de journée, leur ballet d’approche vers les grands platanes est un spectacle. Au petit matin, on les observe décortiquer boutons de fleurs et coques de cacahuètes tombées des poches.
Atouts et crispations
Leur présence apporte une note exotique et un sujet d’émerveillement populaire. Les photographes traquent les reflets émeraude, les enfants apprennent à reconnaître leur cri sans se tromper. Mais des associations s’inquiètent de la concurrence pour les cavités avec des espèces locales comme les pics ou certains étourneaux. Les nuisances restent généralement modérées en ville: quelques déchets sous les dortoirs, un volume sonore élevé à l’aube, et des bourgeons parfois grignotés.
Ce que disent les spécialistes
Les écologues recommandent une vigilance pragmatique, fondée sur un suivi régulier des effectifs et des sites de reproduction. La littérature scientifique signale des impacts variables selon la densité et la disponibilité des cavités. «Le cœur du sujet, c’est l’accès aux nichoirs et aux arbres morts, si précieux pour toute la faune urbaine», résume un ornithologue lors d’un comptage nocturne.
Conseils de cohabitation
- Privilégier des nichoirs aux entrées adaptées aux petites espèces locales, afin de limiter la prise par les perruches, et maintenir des arbres morts sécurisés pour multiplier les cavités.
Tableau comparatif
| Critère | Perruche à collier | Étourneau sansonnet | Pigeon ramier |
|---|---|---|---|
| Taille | Moyenne, queue longue | Petite à moyenne | Assez grand |
| Régime | Graines, fruits, bourgeons | Insectes, fruits, graines | Graines, pousses, feuilles |
| Bruit | Cri perçant, en groupe | Chants variés, murmures | Roucoulements profonds |
| Nidification | Cavités d’arbres, trous murs | Cavités, structures urbaines | Plateformes dans les arbres |
| Impact local | Concurrence pour cavités | Fientes, grands groupes | Salissures, grains picorés |
Signe d’un paysage qui change
Ces oiseaux racontent une histoire de mobilité et d’adaptation urbaine. Une ville plus verte, plus chaude, plus fragmentée, où certaines espèces s’installent et d’autres reculent. Les perruches sont un thermomètre vivant, pas une alarme unique: elles renvoient à la gestion des arbres, à la place de la nature en ville, et à notre patience face aux bruits du vivant.
Comment les observer sans déranger
Approchez lentement, gardez une distance respectueuse, et évitez de nourrir avec des aliments salés ou sucrés. Privilégiez des jumelles légères et repérez les dortoirs en fin de journée: le flux de silhouettes vertes contre le ciel rose est inoubliable. «On finit par connaître leur trajet quotidien, comme un bus de quartier qui ne manque jamais son arrêt», plaisante un habitué du parc.
Et maintenant ?
La question n’est pas de choisir entre émerveillement et prudence, mais de faire coexister plaisir d’observer et attentions concrètes. Protéger les arbres à trous, installer des nichoirs variés, suivre les effectifs avec des comptages ouverts aux citoyens: autant de gestes simples qui réduisent les tensions. La prochaine fois que leur cri fend l’air, levez les yeux: un éclat de tropical glisse au-dessus des chênes, rappel discret que la ville est un écosystème en mouvement.